Trace et Mémoire - Un paysage industriel textile Vosgien
par Louise ERB
Le mémoire complet de Louise ERB est disponible sous la rubrique : Nos publications - Publications en ligne
DE LA QUENOUILLE A LA MULL- JENNY
Marcel. A. Boschi
La présente contribution a été en partie publiée dans "MEMOIRE DES VOSGES" Revue semestrielle consacrée au patrimoine vosgien n° 31 Année 2015 de la SOCIETE PHILOMATIQUE VOSGIENNE (Publiée avec son autorisation)
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Durant la seconde moitié du XIXème siècle,l’adoption de l’architecture,du machinisme, de l’ingénierie de l’extinction du feu, venus du Lancashire en Angleterre,ont permis à l’industrie textile du massif vosgien, d’atteindre en fin de siècle les niveaux de production les plus élevés de tous les temps.
L’incendie de la filature Monstre en 1866 à Roubaix
Au milieu du quinzième siècle dans le sud d’une vaste région qui deviendra plus tard l’Alsace-Lorraine, apparaît un travail artisanal utilisant les matières textiles les plus courantes, la laine, le chanvre, le lin, la soie arrivée à la fin du moyen-âge sera industrialisée à partir du XIXème siècle, le coton consacré à l’habillement courant et autres usages domestiques arrive en Alsace en 1740. Le traitement artisanal des fibres textiles à l’aide de la quenouille et du rouet, popularisé dans les chaumières de l’époque de Jeanne d’Arc, arrive en fin de vie et va connaître son renouvellement de 1825 à 1870.
Le machinisme né en Angleterre dans le Lancashire y contribue pleinement, il bouleverse l’art de filer les fibres et de les tisser. Les visionnaires des vallées vosgiennes et de la plaine d’Alsace ont rapidement recensé les perspectives offertes par la naissance de l’industrie textile. Les premières filatures et tissages s’installent dans les vallées sur les rives des cours d’eau pour en utiliser l’énergie, les bâtiments occupés naguère par d’anciens moulins ou papeteries sont convertis en filatures et tissages, une architecture industrielle à étages, à l’anglaise, verra le jour sur les espaces réduits, les sheds couvriront les larges espaces disponibles à un seul niveau. Les usines équipées de machines modernes seront protégées contre l’incendie par des systèmes d’extinction-avertisseur automatisés, les sprinklers agréés pour leur fiabilité seront installés dès 1891. Ce sera la fin de la quenouille de la fileuse, plus tard celui du métier à tisser à bras du tisserand, ils appartiendront à l’histoire.
1 - John Heywood - 1771-1855- Ingénieur - Industriel
Un jeune et dynamique ingénieur anglais, John Heywood (1771-1855) durant l’époque du blocus continental quitte l’Angleterre en clandestinité et débarque en France, malgré l’interdiction du roi d’Angleterre Georges III, qui condamne sévèrement le départ des techniciens de l’industrie textile. En 1800, il épouse à Bordeaux, Marie Charlotte Duperrier, une créole de Saint-Domingue, elle décèdera en 1809.
En 1806 avec sa famille, il gagne les Vosges pour Saint-Dié, où il prend pied, pour Jean-Claude Marmod, il installe avec succès la première filature mécanique de coton des Vosges, dans les bâtiments agricoles de la célèbre abbaye bénédictine de Moyenmoutier, devenue bien national en 1793.
Il s’intéresse au sort de l’abbaye voisine de Senones, il installe une blanchisserie textile, puis en 1825 une filature.
Il n’est pas arrivé dans la région les mains vides, il introduit une avancée technologique d’importance, la « Mull-Jenny ». Il aurait dit-on rapporté d’Angleterre, dissimulé dans les plis de sa cravate, les plans de cette merveilleuse machine à filer les matières textiles, inventée en 1779 par un autre anglais, Samuel Crompton, elle fille simultanément 10 fils, puis 1000 et bien davantage.
Statistiques incendies –
- La Filature de Moyenmoutier-Le 23 avril 1925, 6 extincteurs ouverts, dégâts 61.894 frs.
Le 28 mai 1930, 7 extincteurs ouverts, dégâts 56.700 frs
- La Filature de Senones - Le 29 nov.1906, 7 extincteurs, ouverts dégâts 12.000 frs
Le 28 juillet 1928, 1 extincteur ouvert, dégâts nuls
Le 16 mars 1929, 2 extincteurs ouverts, dégâts nuls
Abbaye bénédictine de Moyenmoutier avant 2018 et après 2018
L’Alsace l’attire, il part pour Strasbourg, où il tente une association avec Jean Malapert, un fournisseur de l’armée napoléonienne médusé par les projets d’Heywood.
Johncrée, hâtivement sa première filature en Alsace à Strasbourg, dotée de métiers mécaniques, finalement. En 1810,il la transfère rapidement à Schirmeck, dans la vallée de la Bruche, les Vosges alsaciennes. En 1825, la croissance de ses installations se poursuit par l’installation d’une filature à Labroque.
Les capacités structurelles disponibles des lieux lui offrent une implication forte, cela convient parfaitement à son tempérament, la réussite du choix de cette délocalisation sera au rendez-vous, les coûts financiers des ressources humaines seront inférieurs à ceux de Strasbourg. Larivière La Bruche offrira gratuitemen tla force motrice nécessaire aux machines, sans compter les conditions climatiques de la vallée, elles généreront l’humidité ambiante utile au filage du coton. John Heywood, ingénieur éclairé, vient de créer sa première filature en Alsace. Son œuvre sera poursuivie par ses enfants et descendants. Il est le véritable pionnier et fondateur incontestablement éclairé, de l'industrie cotonnière vosgienne et alsacienne, au début du XIXe siècle, lors du blocus continental.
La Mull-Jenny de Samuel Crompton file simultanément 10 fils puis 1000 fils en 1779
2 - La Filature de Habeaurupt -Plainfaing
Ets. S.A. Nicolas Géliot & Fils.
Vers 1817, un jeune collégien, Nicolas Géliot, âgé d’une douzaine d’années, arrive de Bourgogne avec ses frères à Saint-Dié, pour poursuivre ses études, le Général Guye, leur oncle les accueille, il est aussi le parrain de Nicolas, il est retraité depuis le 26 janvier 1825, on l’a nommé maire de la ville de Saint-Dié en l829. Il décède le 15 juillet 1845 à Saint-Dié.
Nicolas, doté d’une vive intelligence et d’un esprit d’observation, part à la découverte de la vallée de la Haute-Meurthe, son attention se porte sur l’énergie hydraulique latente de la rivière. Ses études secondaires terminées, il s’oriente vers l’ingénierie de la construction mécanique et arrive chez M. Edouard Stehelin, Ingénieur de l’école des mines à Paris, Industriel à Bitschwiller-lès-Thann, dans les Hautes Vosges d’Alsace, propriétaire d’une fonderie et d’ateliers de construction mécanique qui fabriquent les premières locomotives à vapeur en Alsace et les machines textiles destinées aux filatures et tissages.
Il acquiert la formation d’un ingénieur en mécanique générale. Il choisit sa voie, il sera industriel. Cette étape franchie, il retourne visiter la vallée de la Meurthe, il ne l’a pas oublié, il a la ferme intention d’en expertiser les atouts et de les domestiquer, l’énergie hydraulique et l’avantage des conditions climatiques de l’humidité nécessaire au filage du coton, nous sommes en 1835, il a trente ans.
Il achète à Habeaurupt, hameau de Plainfaing, « le vieux moulin Fleurent »,sur son emplacement en 1836, il construit sa première filature. Dans l’unique salle du bâtiment ne comportant qu’un seul niveau le rez-de-chaussée, il installe douze milles broches, toutes les bonnes volontés du village ont été sollicitées pour y venir travailler. Dans la foulée, Nicolas installe dans une vieille maison un tissage à bras, non loin de sa filature. Dans la vallée, il crée d’autres petites unités, trente-huit fonctionneront à Scarupt, sur la commune de Fraize. Plus tard, ces métiers à tisser seront rassemblés dans un bâtiment unique construit sur les rives de la Haute Meurthe.
Vers 1840, il rehausse sa filature qui comprendra cinq niveaux, le nombre d’ouvriers et de broches s'accroit en proportion.
En 1849, Nicolas Géliot acquiert la papeterie de Plainfaing qu'il transforme en Filature de 10.500 broches. Plus tard à cet endroit seront installés le futur siège social et les bureaux de la S.A. Nicolas Géliot & Fils.
Nicolas Géliot décède le cinq août 1873, à l’âge de 68 ans, après 38 années de vie très active, Industriel, Maire, Conseiller général et député des Vosges. Ses fils et son épouse lui succèderont à la tête de la Société Anonyme qui sera créée
En 1873, à Plainfaing le tissage Nicolas Géliot de Noiregoutte est détruit par un incendie.
Filature de Habeaurupt vues extérieures
Filature de Habeaurupt – Plainfaing
En 1881, la filature de Habeaurupt est la proie des flammes, le directeur meurt dans l’incendie, le sinistre est total, la filature est rapidement reconstruite par les fils de Nicolas Géliot.et adaptée aux dernières normes techniques anglaises, l’éclairage, la ventilation, les monte-charges, le bâtiment est à trois niveaux, la toiture construite en terrasse comporte une réserve d’eau destinée à l’installation d’extinction automatique, les sprinklers « Grinnell » un système d’une efficacité considérable qui sauvera à plusieurs reprises ce bâtiment des incendies jusqu’à sa fermeture, il abritait 32 000 broches.
La force motrice hydraulique se révèle rapidement insuffisante, une machine à vapeur de 200 chevaux est installée, la filature sera une des premières à être équipée de cette nouvelle motricité, celle de la vapeur. Le développement du tissage de Habeaurupt ne fut pas moins rapide, le nombre de cinquante tisserands tissant à la navette volante passent à trois cents, avec trois cents métiers nouveaux-modèles
Vue d’un niveau intérieur de la Filature de Habeaurupt
Statistiques incendies -
Le 15 décembre 1909, 1 extincteur ouvert, dégâts nuls.
En avril 1918, 1 extincteur ouvert dégâts nuls.
Le 10 octobre 1920, 1 extincteur ouvert, dégâts 12.000frs.
Le 22 juin 1922,2 extincteurs ouverts dégâts nuls.
3 - La Filature Frédéric Jacquel - Natzwiller
Frédéric Jacquel - 1855 - 1937
Paul Emile Jacquelné à Rothau en 1826, diplômé de l’Ecole des Arts et métiers, se marie à Mulhouse en 1854 avec Caroline Weber, ils ont deux filles et un fils, Frédéric (1855-1937), son frère lui cède ses parts, Il devient l’adjoint de son père à la direction générale de l’entreprise. Il développe l’entreprise, en construisant à la place d’un vieux tissage une filature à étages de 6000 broches, les machines proviennent de chez Platt Frères, constructeurs à Oldham dans le Lancashire, ce grand projet est réalisé en moins de deux ans. A cette époque, les filatures brûlaient les unes après les autres. En 1877,un incendie détruit leur Filature, tous deux sont présents au moment du sinistre, ensemble ils en reconstruisent une autre cette fois de 8000 broches et à un seul étage, les machines proviennent toujours d’Angleterre, la raison social de l’entreprise devient P.&.F Jacquel à Natzwiller. Paul Emile, décède le 31 juillet 1898 à Paris.Frédéric, Ingénieur de l’institut Technique de Reutlingen, le secondait depuis 1876. En 1888, la filature est de nouveau détruite par un second incendie, les peluches volantes de coton enflammées par lampes d’éclairage à gaz ont causé le départ de l’incendie.
Filature Frédéric Jacquel à Natzwiller
En 1889, la filature est reconstruite, ce sera un bâtiment à quatre niveaux, il sera protégé contre l’incendie par une installation d’extinction automatique, les sprinklers « Grinnell » installés par des anglais, MM. Mather & Platt de Manchester. En 1910, la protection sera incendie sera étendue à la nouvelle Filature de Diensheim qui venait d’être construite.
Vue intérieure de la Filature
Statistiques incendies –
De 1889 à décembre 1983, on relèvera deux sinistres :
- En Octobre 1910, 2 extincteurs, dégâts nuls.
- En juin 1912, 4 extincteurs ouverts, dégâts nuls
4 - La Filature des Aulnes - Fraize
Ets. S.A. Nicolas Géliot & Fils
Filature des Aulnes à Fraize, projet de modification des surfaces réalisé en l’an 2000
De Fraize à Saint-Dié sur les rives de la Meurthe sont implantés de nouveaux tissages.
En1889, Nicolas Géliot & Fils créent « La Manufacture des Aulnes » comportant une filature et un tissage, ils signent un développement considérable, ils montent véritablement en puissance. L’ensemble détient 458 métiers à tisser, 58 000 broches, deux machines à vapeur et la plus haute cheminée industrielle des Vosges. Le rachat des tissages de Saulcy-sur-Meurthe en 1894 propulse la firme Géliot au premier rang des entreprises textiles vosgiennes
La filature des Aulnes à Fraize
Statistiques incendies –
Le 03octobre 1928, 9 têtes de sprinklers s’ouvrent pour éteindre un incendie dont les dégâts sont nuls.
L’ensemble des bâtiments étaient protégés par quatre installations de 2 272 têtes d’extincteurs « Grinnell ».
Voir -Documents-Monuments historiques.
La filature des Aulnes en 1960
Le 07 mai 2015, le Préfet de la région Lorraine :
Prend la décision de classer monument historique la plus haute cheminée industrielle des Vosges et l’ancien bâtiment des machines à vapeur de la Filature dont le contenu comprenant :
Une installation de sprinkler « Grinnell » datant de 1889, assurant la protection incendie de la Filature.
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA88000057
5 - La Filature de Fraize - Fraize
Ets. S.A. Nicolas Géliot & Fils
Après son incendie total de 1899, la filature de Fraize-Ville est reconstruite en 1900.
Extrait du Rapport de Monsieur Raymond MEYER, ancien élève de l’Ecole des sciences économiques et commerciales de Paris : « L’installation d’une usine importante sur les terrains de l’ancienne filature brûlée, dont la superficie se limitait à cette époque à 86 ares 80, serrés entre le cours de la Meurthe et les constructions de l’agglomération centrale de Fraize, imposait en 1900 la solution d’une usine à étages. Cette solution était d’ailleurs toute indiquée pour le travail spécial des cotons Jumel auquel cette usine était destinée, le bâtiment à étages dans sa conception moderne des grandes filatures anglaises ayant été poussée à une grande perfection L'ensemble réalisé sur l’emplacement du lieu de l’ancienne filature de 1900 à 1914 est d’une conception parfaite, moderne, poussée jusqu’à l’extrême pour utiliser toute la place disponible et la réserver à la fabrication. L’agrandissement de cette filature au moment de la reconstruction après la guerre 1914-1918 posait donc avant tout le problème de l’élargissement des terrains ; une heureuse solution fut retenue par la déviation du cours de la Meurthe, ce qui porta l’étendue de la propriété à plus de 2 ha 1/2 d’un seul tenant »
Ets. Nicolas Géliot & Fils - La Filature de Fraize
NB - Les terrains nécessaires à de futurs agrandissements furent acquis progressivement au cours des années précédentes. En vue du développement définitif des structures de la filature par la construction d’une aile nouvelle.
Une installation de sprinkler « Grinnell » protège l’ensemble des bâtiments de la filature.
Ancienne filature des Aulnes (culture.gouv.fr)
Statistiques incendies –
Un incendie s’est déclaré le 19 novembre 1925, un sprinkler s’est ouvert, les dégâts furent nuls.
Vue générale de la filature, à l’anglaise,
Très important joyaux historique de la vallée de la Haute-Meurtheet du département des Vosges. Unique lieu de mémoire du patrimoine industriel textile. Détruit par le manque d’ambition des responsables locaux.
Vu d'un projet abandonné par manque de vision et d’ambition
L'exemplaire projet de réhabilitation de se site industriel dans la ville ne sera jamais réalisé. La Filature de Fraize sera détruite, pour céder la place à une pelouse municipale.
La transmission de la mémoire du patrimoine culturel est un devoir, notre société est en crise, l’acte de transmission est en panne, la mondialisation en serait la cause.
Le développement du numérique a atteint de hautes dimensions. Le système Internet a modifié les modes traditionnels de communication entre les hommes sur la surface de la terre. Cette situation a provoqué un changement de culture qui a affecté notre manière de penser, de vivre, de faire, modifiant ainsi profondément nos mœurs et nos habitudes. Une question se pose, comment une société qui ne reçoit rien, peut-elle transmettre à la génération suivante, ce qu’elle n’a pas reçu ?
6 – Filature de Vincey –
Société Cotonnière de l’Est de Vincey à Portieux, classée monument historique en 1991
La société cotonnière de l’Est a acquis en 1880 sur la commune de Portieux, le terrain du « Pré le Noyer ». Constituée en société anonyme, elle construit entre le canal de l’Est, la ligne de chemin de fer et la route nationale, une filature « à l’anglaise ». Le nouveau bâtiment fait partie d’une série d’usines à l’architecture triomphante de Manchester « à l’anglaise», qui mêlait l’utilitaire aux réminiscences historiques, telles, pour les Vosges, les usines textiles d’Habeaurupt à Plainfaing, Fraize, La Gosse à Golbey, Saint-Étienne-lès-Remiremont, Les Longines à Saulxures-sur-Moselotte, Laveline-devant-Bruyère, etc..
La filature de Vincey est un grand bâtiment rectangulaire, construit à partir d’une structure de béton, recouverte de briques rouges à Vincey (jaunes à Fraize), sur quatre étages, protégée d’un toit plat, constituant une réserve d’eau destinée à l’installation de sprinkler, enjolivée de deux tours, l’une crénelée, l’autre coiffée d’une toiture tronquée à quatre pans. Les façades présentent des fenêtres géminées autrefois largement ouvertes, naguère remplies par des parpaings pour répondre à l’installation de la climatisation. Ce bâtiment, dénommé sous l’appellation de « Vincey I», bénéficia du système de protection automatique contre l’incendie par le Sprinkler « Grinnell » de Mather & Platt Ltd., la filature fut équipée en 1891 de machines textiles, d’origine britannique, fabriquées par Platt Frères, certaines d’entre-elles restèrent jusqu’à la fermeture de 1981. « Vincey II » donna une capacité
92 000 broches classiques et 3 600 broches de retords en 1929. Cet édifice l’un des rares survivants des constructions à l’anglaise dans les Vosges, a été inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1991.
Société Cotonnière de l’Est, Filature de Vincey, sur la rive gauche de la Moselle à Portieux
Après la fermeture de l’usine, suite à une première série de difficultés, son arrêt suivi de sa location furent décidés en octobre 1936, le Comptoir d’Industrie Cotonnière, de Marcel Boussac, l’acheta suite à la crise de 1929, le 1er novembre 1938, comme une quinzaine d’établissements en Alsace-Lorraine. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, et jusqu’en 1963, de nombreuses acquisitions renouvellent les machines. D’importants travaux de climatisation sont réalisés, ainsi que la mise aux normes des sources d’eau et de l’installation de sprinkler. La filature tente alors de diversifier sa production par la fabrication de fils synthétiques. Mais depuis 1955 et l’amenuisement du marché colonial, l’industrie textile connaît des difficultés que renforce la crise du pétrole de 1974. Le transfert de matériel et les échanges de fournitures entre les différentes usines du groupe ne permirent pas de maintenir le site de Vincey qui ferma le 1er octobre 1981.
La filature de Vincey à Portieux est probablement la première filature des Vosges à avoir connu son premier incendie circonscrit, le 3 juin 1897, jusqu’au 3 février 1930, elle a connu huit incendies, 61 têtes de sprinkler se sont ouvertes.
Statistiques incendie –
Le 03 juin 1897,5 extincteurs sont ouverts, dégâts nuls.
Le 08 février 1906, 1 extincteur ouvert, dégâts 975 frs.
Le 02 décembre 1908, 22 extincteurs ouverts, dégâts 1.467 frs.
Le 10 décembre 1912, 25 extincteurs ouverts dégâts 25.000 frs.
Le 26 mai1914, 3 extincteurs ouverts, dégâts 6.000 frs.
Le 03 octobre 1927, 2 extincteurs ouverts, dégâts nuls.
Le 02 septembre 1929, 1 extincteur ouvert, dégâts nuls.
Le 03 février 1390, 30 extincteurs ouverts, dégâts nuls.
Atelier de Filature de Madame Veuve Géhin à Saulxures sur Moselotte
L’ingénierie de l’extinction du feu
1- La protection incendie dans les filatures avant l’arrivée des sprinklers
Des seaux d’eau jetés, aux tuyaux perforés -
Dans les usines textiles du Grand-Est, il fut un temps où pour contrer le pire, nous n’avions que les seaux d’eau ou les bâches mouillées sorties d’un bac, jetées sur un foyer d’incendie naissant. L’histoire du sprinkler ne se lit pas comme un ouvrage technique, mais plutôt comme un roman, car il y avait un peu de romantisme dans la menace du feu qui risquait d’incendier les filatures de coton de l’est de la France au XIXe siècle.
A cette époque, les usines étaient intérieurement construites essentiellement en bois, l’éclairage utilisé était celui du gaz, de grandes quantités d’huile étaient utilisées pour la lubrification des machines, les peluches de coton très inflammables se répandaient partout.
Cette situation aggravait les risques d’incendie dont le caractère était devenu alarmant, mais ni les seaux d'eau, ni d'autres moyens ne pouvait faire face aux incendies dont les pertes de l'industrie textile atteignaient une telle ampleur. La plupart des sociétés d’assurances étaient devenues réticentes à assurer de tels risques.
L’industrie textile connaissait les mêmes soucis et avait à faire face aux mêmes problèmes. Dès 1788 furent inventés et expérimentés différents moyens d’extinction contre l’incendie des risques industriels. C'est un Anglais - John Carey - qui en 1806 eut l'idée de concevoir un système d'extinction basé sur des réseaux de tuyauteries perforées installés au plafond et alimentés en eau sous pression, en cas d’incendie, par l’ouverture manuelle d’une vanne. Trois ans plus tard en 1809, Congreve inventait les tuyauteries perforées reliées à une vanne scellée, par un fusible, à ouverture automatique en cas d’incendie
Sprinkler : mot anglais signifiant arroseur, extincteur automatique d’incendie à eau.
2 - Démonstration en Angleterre du sprinkler de Henry Parmelee.
La protection incendie par les premiers sprinklers (extincteur automatique à eau)
En 1864, le Major Stewart Harrison, à Londres donne au monde le premier sprinkler. En 1874, Henry S. Parmelee (1846 – 1902), un fabricant de pianos de la Nouvelle-Angleterre, dont l’usine avait été plusieurs fois incendiée, place sur le marché, son premier sprinkler.
Dans les premiers jours de 1881, M. George F. Parmelee arrive d'Amérique à Manchester, avec le sprinkler inventé par son frère, Henry, qui avait déjà atteint une notoriété considérable par ses succès aux Etats-Unis. La première démonstration montre beaucoup d'intérêt. À cette fin, Henry Parmelee construit sur la place du marché en gros de Bolton, un hangar en bois de 9 mètres sur 6 mètres équipé de six têtes sprinklers modèle 1878.
Le sol est jonché de matières inflammables disposées à trois endroits par le surintendant
Philips de la brigade des sapeurs-pompiers de Bolton, s’ensuit le jaillissement d'énormes flammes qui fait reculer les spectateurs. En une minute et vingt secondes le premier sprinkler s'ouvre, suivi de deux autres, en un court laps de temps aucune matière enflammée n'est plus perceptible.
Enfin Frederick Grinnell un autre Américain, ingénieur de Rensselaer Polytechnic Institute de New-York, président de la «Providence Steam and Gas Pipe Company», fait breveter la première tête de sprinkler fiable qui connaît un succès mondialement reconnu dès 1881.
Il est désormais admis au monde comme le véritable inventeur du sprinkler, l’extincteur automatique-avertisseur d’incendie, en raison de sa perfection à cette époque.
3 - La providentielle rencontre de Frederick Grinnell et William Mather
L’année 1883 constitue l’année clé de l'histoire de la protection incendie. Deux événements importants ont lieu. Tout d'abord la reine Victoria confie à son conseiller, William Mather, la mission de se rendre aux Etats-Unis d'Amérique pour étudier les méthodes de l’enseignement technique supérieur. Au cours de cette visite, il rencontre
Frederick Grinnell, qui a déposé le brevet de l'invention du sprinkler « Grinnell » le 02/07/1881, dont il cèdera les droits d’exploitation à William Mather en 1883 pour le monde entier excepté l’Amérique du Nord
Les acteurs de la protection automatique contre l’incendie
F. Grinnell W. Mather F. Dowson J. T. Taylor J. Wormald
L’extinction d’un incendie par une tête de sprinkler
1884 - Année de l'arrivée du premier sprinkler "GRINNELL" en France.
Premier incendie éteint par sprinkler en France en septembre 1884
C'est en début d'année 1884 que Messieurs Mather & Platt installèrent en France à Roubaix, une de leurs premières installations de sprinkler « Grinnell », dans la célèbre filature de coton de Messieurs Motte-Bossut Fils, devenue aujourd'hui le Centre national des archives du monde du travail : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/camt/
Au mois de septembre de la même année 1884, le premier incendie qui s'était déclaré dans la salle des batteurs de la Filature, fut éteint en France pour la première fois, par deux têtes de sprinkler "Grinnell". Voici un extrait de la lettre envoyée par le propriétaire des lieux à Messieurs Mather & Platt à Manchester : " Par suite de la présence d'une pierre dans notre ouvreuse verticale, le feu prit au coton contenu dans ce batteur et se communiqua immédiatement au dépôt essentiellement inflammable de coton ouvert déjà et se trouvant à l'avant de cette machine. Avant que les ouvriers n'aient eu le temps de se servir de leurs tuyaux d'incendie, deux appareils sur huit installés dans cette petite salle, entrèrent en fonction et réduisirent les dégâts sans autre secours, à une valeur de quelques francs".
En 1884, les sprinklers Grinnell importés des Etats-Unis d’Amérique, commencent à être installés en Angleterre par la firme anglaise de MM. Mather & Platt de Manchester et en France. Dès la fin du 19e siècle la plupart des filatures de coton françaises vont être protégées par une installation, sur recommandation et encouragement des sociétés d’assurances, qui n’hésitent pas à accorder de substantiels rabais de primes incitatifs à leurs souscripteurs. Les filatures ne brûlent plus, une nouvelle étape vient d’être franchie, les seaux d’eau cèdent la place aux « sprinklers ».
On peut considérer objectivement que dès cette époque, cette invention a permis d’assurer la protection et le meilleur développement de tous les temps à l’industrie textile française et en particulier dans les vallées des Vosges et d’Alsace..
Premier incendie éteint par sprinkler dans les Vosges le 3 juin 1897
La filature de la Société Cotonnière de l’Est de Vincey à Portieux est probablement la première à avoir été dotée d’une installation de sprinkler « Grinnell ». Edifiée à l’anglaise dans le plus pur style de Manchester.
Statistiques établies jusqu’au 3 février 1930, elle a connu huit incendies, 61 têtes de sprinkler se sont ouvertes.
Statistiques incendie –
Le 03 juin 1897,5 extincteurs sont ouverts, dégâts nuls.
Le 08 février 1906, 1 extincteur ouvert, dégâts 975 frs.
Le 02 décembre 1908, 22 extincteurs ouverts, dégâts1.467 frs.
Le 10 décembre 1912, 25 extincteurs ouverts, dégâts 25.000 frs.
Le 26 mai1914, 3 extincteurs ouverts, dégâts 6.000 frs.
Le 03 octobre 1927, 2 extincteurs ouverts, dégâts nuls.
Le 02 septembre 1929, 1 extincteur ouvert, dégâts nuls.
Le 03 février 1390, 30 extincteurs ouverts, dégâts nuls.
4 - Evolution de la protection incendie par sprinklers –
Parallèlement, Ralph Dowson, John Taylor et Sir John Wormald, qui assistent à la démonstration de Bolton. Ralph Dowson & John Th. Taylor ont dès les premiers jours de leur association, conçu et mis sur le marché le premier extincteur portatif d’une capacité de sept litres six, le « Simplex », basé sensiblement sur le même principe que ceux en usage aujourd’hui.
Collection anciennes têtes de sprinklers
Dans les douze mois qui suivent, ils déposent un brevet et installent leur propre sprinkler le
« Simplex », qui est rapidement abandonné à la suite de certaines conventions établies avec William Mather pour exploiter le sprinkler «Grinnell» reconnu universellement comme le plus performant. Alors que la sinistralité incendie prend des proportions alarmantes dans l’industrie cotonnière, beaucoup de propriétaires ne sont pas couverts par une police d’assurance incendie. Certains paient des primes annuelles si lourdes, qu’elles sont considérées comme des charges fixes réduisant sensiblement les résultats financiers de l’entreprise. Néanmoins ils éprouvent une certaine sécurité financière lorsqu’ une usine incendiée est reconstruite en présence d’une assurance. Heureusement, dans le monde de l’assurance, des courtiers et des agents généraux appréciaient la valeur des sprinklers comme moyen de protection du patrimoine industriel. La plupart des propriétaires de filatures de coton sont devenus rapidement clients potentiels d’une installation sprinkler.
Evolution des sprinklers à travers trois siècles.
Un des plus enthousiastes parmi ce petit groupe est John Wormald, ancien expert auprès de la « Fire Insurance Corporation Mutual Bolton», dirigée par M. Lane, première mutuelle d'assurances à reconnaître officiellement que le «Sprinkler», est considéré comme la meilleure réponse aux pertes subies par les sinistres incendie dans l’industrie cotonnière. Il a assisté à la démonstration organisée à Bolton. Il rejoint finalement Messieurs Dowson & Taylor et devient l'un des plus grands vendeurs du monde de sprinklers. Son rôle devient considérable. Il convainc les dirigeants des sociétés d'assurances d’accorder des rabais importants de primes aux contrats garantissant les bâtiments protégés par des installations de sprinklers répondant aux règles prescrites par les sociétés d’Assurances.
Agissant au nom de sa mutuelle John Wormald écrit en collaboration avec son ami John Th.Taylor les premières règles d’installation de sprinklers dénommées encore aujourd’hui
«Régle 1».
Première édition de « La règle 1 » d’installation des sprinklers
Dans son journal relatant cet événement John Wormald écrit : « Le 22 Octobre 1885, je publiais, sous un copyright, le premier code des règles de sprinklers qui a été donné au monde, celles-ci étaient fondées sur les données, l'expérience et la pratique acquises au cours des trois précédentes années. Mon esprit était tellement saturé par tous les détails du sujet que je me souviens bien d'avoir rédigé les règles contenues dans la brochure, en un dimanche après-midi sans avoir à me référer à toutes mes notes. Je ne pensais pas que ce règlement serait en mesure de trouver un accord général, mais peu importe ce fait, non seulement elles ont été adoptées par "The British Tariff Companies", mais aussi en Amérique, ils nous ont rendu la politesse en les prenant comme base de leurs propres règles en les publiant par la suite. Bon nombre des dispositions d'origine de cette première édition des règles sprinklers demeurent inchangées, même si aujourd'hui de très nombreuses dizaines d'années se sont écoulées depuis. »
M. Lane depuis longtemps était le premier dirigeant d’assurances qui avait défendu et encouragé concrètement l'adoption de dispositifs de prévention contre l'incendie. "The Mutual Fire Corporation of Manchester" avait été la première société à introduire une annexe dans ses contrats, accordant un rabais prime en présence de matériels de protection non-automatiques contre l’incendie, ceux-ci allaient de 2,5% à 15%, selon la valeur et la fiabilité. Ce fut une étape toute naturelle pour Mr. Lane, une fois qu'il eut saisi l'importance du sprinkler, pour ouvrir la voie à un rabais, John Wormald ajouta :
«Au cours des deux années suivantes, je fus en grande partie occupé à étudier les méthodes d'installation mettant en jeu les facteurs essentiels, tels que les canalisations et la conception des sources d'eau. Ce fut toujours un sujet d’étonnement pour Mr. Lane et moi-même d’observer que, par leur expérience du sprinkler, les sociétés d'assurances américaines ou leurs ingénieurs n'avaient jamais créé leurs propres règles. Comme rien n'était envisagé, on avait le sentiment qu'il était grand temps d'établir des règles pour contrôler les travaux des installations de sprinklers, je décidais d’agir dans l'intérêt de mon propre pays, d'être le pionnier de la législation du sprinkler ».
APSAD – R1 – Règle d’installation « Extinction automatique à eau sprinkler » Edition "Centre National de Prévention et de Protection" ENTREPRISE, BP 2265 F
Le sprinkler devient un système d’alarme.
Le développement du système d'extinction automatique de Frederick Grinnell et conjointement celui du système d'alarme inventé en 1888 par Ralph Dowson et John Taylor (1861 – 1945), futur vice-président directeur général de Mather & Platt Limited en 1899, ont contribué au succès dans le monde entier de la tête de sprinkler "Grinnell" Ce dispositif d'extinction et de contrôle du feu par l'utilisation de l’eau, devenu également avertisseur d’incendie.
Cloche d’alarme
Du fusible à l'apparition de l’ampoule « Quartzoïd »
En 1923, Mather & Platt Limited introduit un nouveau type de sprinkler "Grinnell" à ampoule pour neutraliser la corrosion qui s'attaquait à l'étrier de la tête. La fermeture de ce sprinkler est obtenue par une ampoule de verre sphérique contenant de l'alcool, son éclatement intervient lorsque la température fixée est atteinte en cas d’incendie, pour un risque courant 68° C. Ce modèle n’obtient pas les objectifs fixés, il est rapidement abandonné.
En 1925, Mather et Platt Ltd. conçoit un nouveau sprinkler à ampoule destiné à devenir le modèle de base de la plupart des futurs fabricants dans le monde, sinon la totalité encore aujourd'hui.
Sprinklers Grinnell du XXIème siècle
Comment le sprinkler fonctionne vimeo.com/71783310
Sprinklers contemporains destinés à la protection des risques courants
Usine textile protégée par une installation sprinkler
L’ampoule de cette tête est maintenue entre un cône creux et l’élément de fermeture de l’orifice sous forme de barillet, de sorte que la charge sur l'ampoule et la fermeture puisse être modifiée en ajustant une vis de réglage située dans la tête du cône pris en tenaille à la jonction des deux bras de l'étrier.
Vers 1936, une modification de la tête type «marine» de Mather et Platt Ltd. intervient, c’est l’époque du lancement du «Queen Mary»,sa présentation est sous forme argentée, l’ampoule de teinte jaune-verte contient du tétrachlorure de carbone* dont une petite bulle de gaz est perceptible, lorsque la température ambiante s’élève son contenu se dilate la bulle est absorbée, l’ampoule éclate et la tête du sprinkler est ouverte.
Poste de contrôle Vanne d’arrêt Clapet d’alarme
À la fin des années 1950, les ingénieurs de « Factory Mutual » présente un nouveau type de sprinkler, le spray celui-ci apporte une nouveauté, il arrose moins le plafond, par rapport à la tête «classique», il permet un allongement de l’espace entre les têtes. Il entraîne un abaissement des coûts de certains types d’installations. Apparaît le sprinkler mural, le « side-wall », utilisé principalement à proximité des murs où la distribution de l’eau, nécessite un décalage. Le développement du sprinkler s’est poursuivi rapidement à partir des années 1960 pour répondre à la nécessaire protection de nouveaux types de risques dangereux Grinnell Company fidèle partenaire de Mather & Platt Limited a beaucoup contribué à l’expansion de l’industrie du sprinkler dans le monde entier et dans trois principaux domaines : les zones de stockage en hauteur. Le modèle pendent ESFR-25 à réponse rapide est destiné à remplacer l'utilisation de têtes sprinkler protégeant les piles de stockage de matériaux dans les racks* de grande hauteur.
5 -Installation contemporaine de sprinklers
Postes de contrôle sous eau
Sources d’eau et postes de contrôle dont vannes d’arrêt et clapet d’alarme
Prescriptions -
Deux sources d’eau sont prévues, A et B.
- La source A (limitée) sont admis : Les réservoirs sous pression, les réseaux d’eau de ville surpressée ou non, les réservoirs élevés, les pompes à démarrage automatique puisant dans leur propre réserve et étant capable d'alimenter 5 têtes sprinkler simultanément pendant un minimum de 30 minutes, dans le rapport d’un débit/pression requis à la tête la plus défavorisée.
- La source B (inépuisable) sont admis :Les réseaux de distribution public ou une nappe phréatique ; la pompe sera entraînée par un moteur électrique secouru ou un moteur Diesel puisant dans sa réserve et étant capable d'alimenter toutes les têtes de la surface impliquée simultanément pendant 1 h à 1 h 30 dans le rapport/débit requis à la tête la plus défavorisée.
Sachant que l'ouverture seule de têtes supplémentaires, la pompe sprinkler A, en cas d'insuffisance à la maîtrise du feu, va actionner la pompe B.
Dite : "inépuisable", par abus de langage puisque sa capacité est elle-même limitée à la durée de fonctionnement (alimente donc le débit théorique pendant une durée dépendant du risque et du système, de 30 minutes à 2 heures)
Risques spéciaux
Têtes de sprinklers pour protection incendie
6 - Conclusions.
Les statistiques montrent que 95 % des départs de feux sont circonscrits par cinq sprinklers, que 80 % des incendies sont maîtrisés ou éteints avec moins de cinq sprinklers. Vraisemblablement, l’efficacité du sprinkler est supérieure à ces données, le pourcentage d’échec pouvant être en partie expliqué par le fait que les départs de feu maîtrisés avant d’avoir occasionné de gros dégâts ne sont pas tous déclarés aux sociétés d'assurances.
A une certaine époque les seaux d'eau jetés sur un foyer d'incendie naissant évitait le pire, cela est encore vrai aujourd’hui. C'est au cours de la seconde moitié du 19e siècle que des tuyauteries perforées ont commencé à être installées au plafond des usines classées à risques. Quelques années plus tard les sprinklers ont remplacé les tuyauteries perforées confirmant leur supériorité.
Au 20e siècle de nouveaux moyens sont venus renforcer les pouvoirs d’extinction de l’eau, de refroidissement et d'étouffement, ont fait leurs apparitions les adjuvants, les émulseurs, les mousses, les agents A3F à film flottant*. L'eau fournie en quantité suffisante dans un bon rapport débit/pression reste un des plus sûrs moyens de lutte contre le feu. Le Centre National de Prévention et de Protection - CNPP - publie dans sa newsletter de septembre 2009, une étude intéressante dans le cadre de l’ingénierie incendie consacrée à la fiabilité des systèmes d’extinction par sprinklers, un des premiers «Le Grinnell » date de 1881, voici les conclusions de l’étude :
« La recherche a montré une diversité importante des taux d’efficacité des systèmes, variant de 75 % à plus de 99,5% en fonction des études et des pays. Ce taux de 99,5 % provient des Australiens chez qui les déclenchements de sprinklers sont automatiquement répertoriés par les services de secours. Dans les autres pays, on peut supposer que l’efficacité des sprinklers serait plus proche de ce taux de 99,5%, car les sinistres de faible importance motivée par l’efficacité des installations de sprinkler sont rarement déclarés, en raison de l’existence de la franchise figurant aux contrats d’assurances incendie, qui n’est pas dépassée. .
- Autre information capitale : la majorité des échecs est due à un problème de maintenance ou d’adéquation entre le système et le risque, preuve que le suivi dans le temps est gage du bon fonctionnement des sprinklers ».
L’histoire de l’ingénierie de la lutte contre le feu dans l’industrie date de la moitié du 19e siècle, plus de 150 ans ont passé. Les gens et les lieux ont maintenant disparu. Par delà l’hommage légitime à ses pionniers, c’est tout un pan d’une riche histoire technique qui demande à être popularisé, pourquoi pas dans le cadre de la création d’un musée européen de la protection automatique contre l'incendie sur un site textile vosgien. L'ancienne salle des machines à vapeur de la Filature des Aulnes, abrite les sources d'eau et deux postes de contrôle de l'installation de sprinklers de la filature des Aulnes, classés monuments historiques, aux côtés de la plus haute cheminée industrielle des Vosges.
Documents –
Fonds d’archives des Vosges des filatures Géliot –
A consulter en raison de l’intérêt du contenu.
Filature de Habeaurupt à Plainfaing
Fonds d’archivesdes Vosges de la filature de Vincey -
A consulter en raison de l’intérêt du contenu.
Filature de Vincey à Portieux
Bibliographie -
BOSCHI Marcel André, « Avons-nous perdu le sens de la transmission de la mémoire du patrimoine technique et culturel ? », Mémoire des Vosges, 2014, n° 28, pp. 48-51.
Sommaire et bon de commande disponibles par simple clic sur l'image
BOSCHI Marcel André, Mémoire des pionniers et ingénieurs de Mather & Platt Ltd. Equipements anti-incendie dans les usines des Vosges », M.D.V., 2014, n° 29, pp. 44-49.
Sommaire et bon de commande disponibles par simple clic sur l'image
BOSCHI Marcel André (pub. sur Internet par), « The Book of the Jubilee 1958 ». [Ce livre écrit en 1958 qui n’a jamais été publié est considéré aujourd’hui comme le compagnon de L’Histoire de Mather & Platt Ltd.
FLAYEUX Georges (Abbé), La vallée de la Haute-Meurthe, Typographie et Lithographie Cuny, Saint-Dié, 1905, 219 p.
GUERY François. Agriculture et industrie dans les Vosges alsaciennes, Revue géographique de l’Est. Année 1962 2-4 pp. 327-344
LALEVÉE Victor, Histoire de Fraize et de la Haute Vallée de la Meurthe, René Fleurent, Editeur, Fraize, 1957, 381 p. - Réédition : Flash 88, 1995, s.p. Collège Jules Ferry,
Le Thillot « La Saga du Textile 1895 », Bulletin de la Haute-Moselle, 2000, n° 34.
POULL Georges, Les fondateurs de l’industrie textile vosgienne 1800–1870, – Ingénieur, historien – Editions Serpenoise, Metz, 1997, 288 p.
SAINT-DIZIER Marie-Hélène, Société Philomatique Vosgienne – Tables 1875 -2010 – Index thématique, toponymique, patronymique, auteurs, Ed. S.P.V. 2013, s. p.[58 + 44 + 60 + 21 p]
SCHOEN Jean-Pierre, « L’industrie textile dans la vallée de La Bruche - Historique - Les Jacquel de 1808 à 1983 », Essor, 2013.
Notes-
1 -Sprinkler - Communément appelé en pays francophones « Le Grinnell », du nom de son inventeur Frederick Grinnell. Le mot «Sprinkler» est un emprunt à l'anglais sprinkler qui signifie arroseur.
2 - En 1914–1918 la première guerre mondiale n’épargne pas les usines. Le tissage de Saulcy-sur-Meurthe et la filature des Faulx à Fraize ont été détruits par des incendies.
3 - Source : CNPP Info, newsletter numéro 1, septembre 2009.
En savoir plus -
*Filés Dès l'origine les filés de coton étaient obtenus à partir de la torsion de la fibre textile du coton brut, nettoyée de toute impureté, avant d'être transformée en fil prêt à être tissé en toile par un métier à tisser à bras, plus tard par un métier mécanique. La naissance du machinisme avec l'arrivée de la "Mull-Jenny", du "Continu à filer" et des métiers à tisser mécaniques a mis fin à la production manuelle des filés issus de la quenouille et du rouet, le fileur procédait à la torsion de la fibre entre le pouce et l'index de la main. Le machinisme a provoqué une avancée considérable qui a donné lieu à l'apparition de l'industrie textile. Les filés sont désormais fabriqués mécaniquement par l'enroulement du fil sur un fuseau de carton, l'étape suivante est celle du tissage mécanique pour obtenir la toile.
*Broches : Les fuseaux ou bobinots de carton, sur lesquels le fil de coton tordu est enroulé, sont plantés sur des tiges en acier solidaires du banc broches, elles tournent à une vitesse considérable dans un sifflement assourdissant, les bancs broches peuvent mesurer plusieurs dizaines de mètres. On évalue la production d'une filature au nombre de broches.
*Navette volante : Autrefois avec le métier à tisser à bras le tisserand faisait passer la navette d'une main à l'autre, la distance d'écartement des bras limitait la largeur de la toile tissée.
Elle va autoriser de plus grandes largeurs à tisser, elle a été inventée en 1733 par anglais John Kay. À droite et à gauche du métier à tisser sont installées, deux glissières, sur lesquelles deux taquets mobiles sont activés par un jeu de ficelles, qui se renvoient la navette. Le tisserand tire alternativement d'un côté puis de l'autre, assurant par un va-et-vient continu l'insertion de la trame. Elle a été installée en France en 1747 par John Kay en personne, première étape vers l'introduction du machinisme dans les tissages.
*Tétrachlorure de carbone : Le tétrachlorure de carbone est un dérivé chloré saturé des hydrocarbures aliphatiques dont le numéro CAS est le 56-23-5. C'est un liquide incolore, d'odeur caractéristique éthérée. En 1936 il était utilisé pour la fabrication du contenu des ampoules de sprinklers incendie.
*Racks : Rack de stockage, rayonnage à palette pour stocker les marchandises. Le rayonnage à palettes permet l'optimisation de l'entrepôt ou réserve. Il permet de stocker les palettes de tous poids à toutes hauteurs dans le respect des normes européennes. De plus, le rayonnage de stockage à palettes est adapté aux installations de grandes hauteurs. Le rack de stockage spécialement conçu pour entreposer les palettes. Un large choix de dimensions est disponible pour le rayonnage à palettes : - Hauteur pouvant aller jusqu’à 13 mètres - Largeur comprise entre 1m85 et 3m90 - Profondeur recommandée de 1m10 pour éviter les surcharges - De 2 à 7 niveaux par ensemble de rack. Par niveau, la charge maximale admissible est supérieure à 3 tonnes selon les dimensions.
*Agents A3F à film flottant : Les agents A3F à film flottant sont des produits anti-incendie dotés d'agents de surface fluorés filmogènes. Il forme à la surface des hydrocarbures un mince film aqueux l'isolant de l'air.Il ne forme pas de film aqueux sur les liquides polaires.
3 FFF vient de la terminologie anglo-saxonne : Aquarius Film Forming Foam
Les tensioactifs fluorés responsables de la formation du film aqueux ont été mis sur le marché dans les années 70 par la société 3M.
Monuments historiques–
Le 07 mai 2015, le Préfet de la région Lorraine : Ancienne filature des Aulnes (culture.gouv.fr)
Prend la décision de classer monument historique la cheminée industrielle de la Filature, l’ancien bâtiment des machines à vapeur et son contenu comprenant :
- Une installation de sprinkler « Grinnell » datant de 1889, assurant la protection incendie du bâtiment, deux postes de contrôle, les sources d’eau, dont une pompe à vapeur et une pompe centrifugeentraînée électriquement,chaque pompe est reliée par sa propre conduite d’aspiration au puits alimenté par la rivière la Meurthe.
-Cheminée de la Filature des Aulnes.
- Bâtiment des anciennes machines à vapeur de la filature des Aulnes., année 1891. Protégépar une installation de sprinkler.
Les Sources d’eau de quatre installations de sprinkler, alimentaient : 2 272 têtes de sprinkler.
La source « A » - a été détruite, il s’agissait d’un réservoir cylindrique sous pression de 30 m3. ½ air et ½ eau. En mesure d’assurer l’extinction d’un incendie dans le rapport débit/pression, de 5 têtes de sprinkler, les plus défavorisées, pendant 30 minutes.
La source « B » -une pompe à vapeur double cylindre à quadruple effets conçue en 1853, fabriquée et installée avant 1892, par « Mather & Platt Ltd.» Manchester, remplacée en 1952 par une pompe centrifuge entraînée électriquement, fournie par « Le Matériel électrique S.W » à Champagne-sur-Seine (Seine & Marne).
Alimentation des deux pompes par leur propre conduite d’aspiration installée dans un tunnel accédant à un puits de briques en liaison avec la rivière Meurthe.
Postes de contrôle de quatre installations sprinkler :
Installation sous eau :La mise sous pression du réseau concerné s’effectue par un poste de contrôle sous eau au gré de toutes les saisons
N° 2 - système sous eau – 1446 sprinklers (bâtiments chauffés)
Installation alternative : La mise sous pression du réseau concerné s’effectue par un poste de contrôle alternatif au gré des saisons (mise sous air automne - hiver puis mise sous eau printemps - été).
N° 1 – système alternatif – 601 sprinklers (bâtiments non chauffés)
N° 3 – système alternatif – 286 sprinklers (bâtiments non chauffés)
Poste détruit, la cloche d’alarme subsiste visible sur mur (côté rue, au début du bâtiment).
N° 4 – système alternatif – 439 sprinklers (bâtiments non chauffés)
Mémoire des Vosges n° 28, 29 et 31 auteur Marcel Boschi.
Annexes :
Filatures de Moyenmoutier à Moyenmoutier,
Filature Senones à Senones
Filature Frédéric Filature àNatzwiller
Filature de Habeaurupt à Plainfaing,
Filature des Aulnes à Fraize
Filature de Fraize à Fraize
Filature de Vincey à Portieux.
Voir rubrique : Monuments historiques
Archives historiques : https://sites.google.com/site/historyofmatherplattltd/
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