Légendes-Imaginaire

                           

 Les Légendes de la Montagne d’Ormont

 

L’Ormont (901 m alt) est une modeste montagne des Moyennes Vosges gréseuses lorraines. Ce « mont d’or » dresse fièrement son dôme chevelu au-dessus de la ville de Saint-Dié.

« Or » est un ancien mot celtique qui signifie aussi montagne. Autrement dit, l’Ormont est la montagne des montagnes, c’est-à-dire le sommet le plus important des environs. En plus d’être le point culminant de la Déodatie, l’Ormont est entouré par de larges vallées l’isolant des autres massifs, ajoutant davantage un effet de grandeur.

La Roche des Fées

Sur le flan sud de l’Ormont, dominant la ville déodatienne, se trouve une Roche des Fées. Quand on parle de « roche », il est bien souvent question d’un ensemble de roches dans son contexte purement géologique. En revanche, quand on parle de « pierre » dans les Vosges, il est fait allusion à un lieu de culte ancien. Ainsi, jusqu’au XIXe siècle, on parlait plutôt de « Pierre des Fées » au lieu de « Roche des Fée ».

 Les fées de l’Ormont sont bienfaisantes, elles veillent sur les Hommes. Elles ont un palais magnifique, dont l’entrée se situe dans une grotte sous une des roches.

Un auteur vosgien, spécialiste du monde des fées, écrivait en 1938 : « L’entrée est tellement resserrée par les éboulement qu’on y pénètre qu’en rampant, mais en tournant à gauche, l’excavation s’élargit et on peut y tenir debout. Il n’est évidemment pas recommandé d’effectuer ces tours d’adresse, d’autant plus que le promeneur risque de s’attirer les foudres des fées qui, chacun le sait, sont capables de transformer un bel homme ou une belle dame en un vilain crapaud ! Alors restons dehors et écoutons la légende qui nous assure que cette grotte abrite le grand secret de la vie puisque c’est là que sont rassemblés tous les bébés qui attendent leur tour pour entrer dans la vie en passant la porte de la grotte aux fées. »

La « Roche des Fées » est donc le berceau des habitants de Saint-Dié et de sa région ;  il n’est vraisemblablement pas question de cigognes sur le versant lorrain des  Vosges.

Cette croyance devait permettre aux habitants du Val de Galilée de se sentir davantage chez eux, et réveiller ainsi un certain patriotisme quand il s’agissait de défendre cette vallée des armées de pillards. Elle devait être également utile pour répondre à cette embarrassante question que les enfants abordent presque tous : d’où viennent les bébés ?

Jusqu’au XVIe, les habitants du pays n’avaient qu’à louer les services des fées ; elles intervenaient souvent pour soulager la maladie. Dans les Vosges, les fées étaient donc considérées comme des déesses, ou presque! Ces croyances n’étaient en réalité qu’une survivance des cultes païens. Mais cette époque était celle de la folie collective de la chasse aux sorcières, quelques esprits malades avaient décidé d’exorciser la roche.

La sorcellerie

Les démons et le diable remplacent quelques siècles plus tard les fées bienfaitrices de l’Ormont. Le mal triomphe du bien, une revanche des lutins et des gnomes en quelque sorte. On décide, en 1555, d’exorciser la « Pierre des Fées ». L’inscription fut longtemps controversée, jusqu’à ce que deux philomates(1) déodatiens la redécouvrent et en fassent un croquis : «  A D 1555 DIE 2° FEB. J D E WILDESTE Exorciz avit hunc lapidem  ». Elle signifie : « l ‘an du Seigneur 1555, le deuxième jour de février, Jean Dominique Etienne Wildestein a exorcisé cette pierre ».

Après cet exorcisme, les dits « sabbats » se sont ensuite déroulés sur la Roche du Sapin Sec.

En plus de cette gravure, en 2006, deux philomates, Thierry CHOSEROT et Pierre-Marie DAVID, font une escalade sur le rocher et y trouvent de nombreuses autres gravures dont les plus récentes datent du XIXe siècle. La fréquentation de cette plus petite roche semble s’arrêter lors de la création d’un escalier et de barrières érigées par le Club Vosgien sur la plus grande roche alors inaccessible pour l’époque. Cette manœuvre a ainsi pu protéger les gravures anciennes. Parmi les autres gravures : une croix avec une inscription peu lisible qui pourrait être une dates (1774 ?), mais aussi des empreintes de pied avec parfois le détail de semelles.

Le pont des fées

On raconte qu’autrefois, afin de surveiller leurs troupeaux contre le vol exercé par les gnomes, les fées avaient bâti un gigantesque pont au-dessus de Saint-Dié reliant ainsi l’Ormont au Kemberg. Il existait des dizaines d’autres ouvrages similaires dispersés un peu partout dans les Vosges. On dit que ces gigantesques ponts se sont effondrés à la naissance du Christ, le Dieu unique triomphant ainsi des fées et des dieux de l’ancien temps. Certains voient en ce pont une arche protectrice de Val de Galilée par les fées, ces déesses secondaires.

En plus de ce pont, les fées ont engagé des pâtres pour surveiller le bétail. Un jour, l’un d’entre eux, las de ce travail, décida de partir faire fortune ailleurs.

Les fées le payèrent pour ses services en lui offrant une bourse. L’une d’elle le mis en garde en lui indiquant qu’il ne devait l’ouvrir qu’une fois rentré chez lui. Le jeune homme pris alors la route. Mais au fil de son chemin la curiosité était de plus en plus forte. Au bout d’un moment il finit par craquer. Il ouvrit la bourse et y glissa sa main, mais la retira aussi vite, surpris par la douleur. Quand il y regarda, il ne vit que des braises rougeoyantes. Très en colère contre cette mauvaise plaisanterie et l’injustice dont il était victime après ses bons et loyaux services auprès des fées, il reprit son chemin d’un pas pressé. Une fois arrivé chez lui, il raconta sa mauvaise aventure à ses parents. Son père, qui connaissait bien les fées, lui demanda de lui donner la bourse. Quand il l’ouvrit, il y trouva de magnifiques pierres précieuses.

Une empreinte éternelle

A côté de l’une des Roches des Fées se trouve une marque en forme de pied sur le sol rocheux. Mesurant 60,5 x 22,5 centimètres, l’empreinte a une orientation nord-Sud et semble être dirigée vers la vallée de la Fave. Il s’agit, selon la légende, de la marque du pied d’une fée, qui d’un bond enjamba la vallée et fit une autre marque en atterrissant vers la « Grange  des Aunées » à Coinches.

Au pied de la Roche des Fées, une croix commémore un tragique accident révélant que, malgré sa modeste hauteur, l’Ormont est bien une montagne.

La Gazette Vosgienne relate l’accident : « un bien douloureux événement vient de plonger dans le deuil la famille du comte d’Ollone. Jeudi dernier, une de ses filles, Mlle Jeanne d’Ollone, revenait d’une excursion faite à la montagne d’Ormont lorsqu’en descendant le sentier de la Roche des Fées son pied glissa. Elle roula dans un ravin et sa tête alla porter contre une pierre. On la transporta dans une ferme voisine où elle est morte sans avoir repris connaissance. »

Le temps des géants

On raconte que les montagnes vosgiennes furent façonnées par des géants. On nous rapporte même le nom de certains. Ainsi, un géant nommé « Lauen » vivait dans la vallée de la Bruche, un autre appelé «  Schratzmännle » vivait quant à lui dans la vallée de Munster, et on peut également rencontrer non loin de Gérardmer un village portant le nom de Kertoff, qui n’est autre que le nom d’un géant qui vivait en ces lieux. Selon les croyances, l’un d’entre eux aurait pris son repos éternel dans le massif du Noll qu’il hante depuis. On raconte même que des scientifiques de Nancy auraient découvert en 1830 son squelette sous un cairn. La croyance des géants fut si forte que l’on ne manqua pas d’exposer des ossements en les enchâssant dans de nombreuses constructions. Un dénommé Fischart nous en parle avec bonhomie dans son « Gargentua », rappelant dans son édition de 1580 qu’on exposait des ossements et des armes de ces géants d’antan.

Les dieux chargèrent les géants de protéger les nains, créés pour exploiter les richesses des montagnes, contre les redoutables bêtes qui vivaient dans notre vieux massif. Mais ils furent victimes de violence de la part de certains de leurs protecteurs, car ces derniers étaient devenus trop sauvages. Afin de les punirent, les dieux les piégèrent dans la roche, ce qui explique la présence de ces monticules rocheux qui dominent les sommets des Moyennes Vosges.

Un lac souterrain

Les habitants du Val de Gallilée craignent que l’Ormont ne s’ouvre de mille crevasses et que le grand lac qu’il contient ne se déverse dans un déluge apocalyptique. Car le saviez-vous ? L’intérieur de l’Ormont est une immense caverne qui renferme un lac de sept lieues de tour, soit vingt-huit kilomètres. Or un jour les lutins (ou nains selon les versions)(2), qui ont été chassés de leurs terres par les Hommes et obligés de vivre reculés dans la montagne, décident de faire alliance avec les gnomes du lac, ces êtres mystérieux et secrets habitant les entrailles de la terre. Plus primitifs que les lutins, il n’en sont pas moins méchants. Les humains ne les dérangent pas vraiment, mais l’idée d’inonder les vallées et détruire les habitants leur plait. Tous unissent donc leurs efforts et pendant des jours et des jours, on entend de sinistres craquements. La montagne finit par se rompre en même temps que, du Sapin Sec aux Molières, résonnent les rires sinistres des gnomes et des lutins. Le flot engloutit les vallées et la ville. La désolation et la mort rôdent partout. Soudain, les fées, qui protègent toujours les Hommes des mauvais sorts, s’élancent. L’une d’elles détache sa ceinture et, formant avec la bande un cercle magique, les fées entourent l’Ormont. Alors l’eau cesse aussitôt de couler. Ici s’arrête la légende, mais certains lui accordent une fin plus heureuse, en affirment que les fées redonnent la vie aux noyés et relèvent les maisons effondrées.

Des inondations bien réelles

 On dit que chaque année, un forgeron  de la Rochotte, mis dans le secret des fées, était chargé de vérifier la solidité du cercle magique. La tâche familiale se transmettait de père en fils.

Gaston de Golbéry nous affirme que cette croyance du lac est encore vive en 1884. Il parle, avec quelques doutes, d’une messe célébrée le 4 novembre à la chapelle Saint-Charles (aujourd’hui disparue), destinée à préserver les habitants du Val de cette menace. Autrefois, les inondations de Saint-Dié étaient catastrophiques. La cause n’en était pas seulement la Meurthe mais aussi les ruisseaux comme le Robache qui se transforment en de véritables torrents. Le Robache coule dans une vallée encaissée. Par de fortes pluies, il gonflait en quelques heures et, se colorant avec la terre rouge des Vosges gréseuses, on le surnommait alors « le torrent rouge ». Dans les rues de Saint-Dié, l’eau et la boue pouvaient atteindre 1,15 mètres de hauteur. Ainsi en 1784, des pluies catastrophiques associées aux eaux de la fonte des neiges ont dévasté la vallée de Robache. D’où cette crainte vivace des habitants et l’origine, sans doute, de la légende du lac. C’est probablement aussi la raison de la messe de la Saint-Charles et du pèlerinage. De plus, les sources plus nombreuses dans l’Ormont que dans les reliefs voisins ont pu engendrer l’idée d’un lac souterrain.

Les sabbats du sapin Sec

Alban Fournier dit que le diable convoquait ses adeptes à la Roche du Sapin Sec appelée autrefois la Chaire du Diable. Son nom actuel nous vient d’un vieux sapin sec que l’on retrouve sur les anciennes cartes postales. Cette roche participe, avec les Pierres des Fées, au mythe de la sorcellerie.
Le 3 juillet 1602 s’ouvre le procès de sorcellerie de Jehennon, veuve de Hidoulf le Regnard de Robache. La Pierre des Fées a déjà été exorcisée, Jehennon dénonce d’autres lieux mais toujours dans l’Ormont. Sous la torture, elle avoue avoir rencontré le diable pour la première fois aux Roches du Chapeau, lorsqu’elle avait 17 ou 18 ans, et est devenue sa maîtresse. Plus tard, maître Persin la transporta sur son cou au sabbat, qui a lieu à la Goutte du Rupt, le jeudi.

Il existe dans l’Ormont les Roches du Chapeau et en contrebas la Fontaine du Chapeau, puis en-dessous la Goutte du Rupt. Les Pierres des Fées, la Roche du Sapin Sec et les Roches du Chapeau forment un triangle dont la base regarde vers la Goutte du Rupt.

Les anciens habitats (celtiques, gallo-romains), les antiques lieux de cultes, les pierres, les sources, sont souvent à l’origine des légendes. Plusieurs siècles plus tard, les sabbats s’approprient ces lieux chargés de mystères.

Le chariot de l’Ormont

La Roche du Chariot représente deux dalles, fortement inclinées en forme de « V » d’environ six mètres de longueur pour deux mètres de largeur, mais épaisses d’à peine cinquante centimètres. Si nous en croyons la tradition, ces dalles formeraient le bas-côté d’un chariot qui n’était autre qu’un « Leiterwagen », le chariot à ridelles qui était courant dans nos campagnes jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Trois légendes expliquent cette curiosité de la nature. En effet, la mémoire humaine est courte, avec le temps les légendes sont oubliées, et d’autres apparaissent pour apporter des réponses aux questions en suspens.

La première nous explique qu’il appartenait à un roi païen qui régnait bien avant le christianisme. Il était à l’époque fait d’or. Quand arriva la foi chrétienne, le char fut englouti par la montagne et, depuis, les hommes se sont mis à sa recherche, sans succès.

La seconde légende nous rapporte qu’autrefois l’astre du jour était véhiculé par un chariot d’or pour sa course quotidienne d’Est en Ouest. Il arriva un jour où le chariot conduit par la déesse du soleil ploya sous sa charge, se brisa et ses débris chutèrent à terre. Heureusement que le soleil se trouvait sur sa lancée et peut, depuis, tourner dans le ciel sans l’aide du chariot dont il reste ici les vestiges.

 

Une troisième légende, sans doute la plus récente, nous rapporte qu’il existait autrefois dans l’Ormont un chariot rempli d’or et de pierres précieuses, une véritable fortune donc. Personne ne savait comment il était arrivé à cet endroit, il y avait 1800 ans. Nul ne savait à qui il appartenait mais il serait la propriété de celui qui irait le chercher. Pourtant l’entreprise n’était pas sans danger car tous ceux qui avait tenté leur chance n’étaient jamais revenus. Les gnomes du lac et les lutins de la forêt, gardien du trésor, usaient de leurs maléfices pour faire échouer toutes les tentatives. Et les malheureux qui tentaient l’aventure étaient engloutis pour toujours.
Pour réussir, il fallait trouver le timon. Il émergeait d’un petit étang au sommet du massif, qui n’était autre que l’entrée du grand lac souterrain, disaient les uns ; il était à même la terre parmi les bruyères et les fougères disaient les autres. Avant le départ, il fallait faire pénitence puis partir, à la tombée du jour, avec une paire de bœufs blanc immaculé. On devait chercher le timon au clair de lune et une fois trouvé, y attacher les animaux. A ce moment-là, l’affaire devenait très difficile. Il ne fallait ni se laisser griser par la fortune espérée, ni par l’impatience qui gagnait. Un seul juron et tout était perdu, la fortune bien sûr mais la vie aussi. A ce moment-là, les lutins, à l’esprit retors, intervenaient. Ils usaient de tous leurs maléfices pour que le conducteur impatient prononçât le juron fatidique. Avant la lisière de la forêt et même en vue des premières maisons, rien n’était gagné. Un jour, Margot, un charretier de Senones, s’y était risqué. Il avait pris la précaution de faire bénir ses bœufs par les moines de l’abbaye. Hélas rien n’y fit, ensorcelé par les lutins, il laissa lui aussi échapper le juron fatal. Le dernier à avoir tenté sa chance a été un paysan de Robache, un esprit fort disait-on de lui. Il faillit réussir, il avait attelé deux magnifiques bœufs au timon et encourageait paisiblement ses bêtes à l’effort. Le chariot avait atteint la rive lorsque ses bêtes faiblirent. Au lieu de les laisser se reposer, l’appât de l’or étant le plus fort, il les flagella cruellement. Comme les bêtes piétinaient, un juron sorti de sa bouche, alors le chariot recula irrémédiablement. Tout fut englouti en quelques instants.
Depuis que le merveilleux a quitté les esprits pragmatiques, le lac s’est asséché et le chariot s’est pétrifié, formant les Roches du Chariot.

 

 Les rochers gisant autour des Roches du Chariot semblent taillés, certains forment des monolithes couchés et pourraient bien être des pierres levées, renversées par la suite. Les Roches du Chariot pourrait être un dolmen qui a perdu son toit, car en effet une troisième roche assez plate se trouve à côté de l’une des dalles et aurait pu servir de chapeau.

 (1)    Les Philomates sont les membres d’une association de protection du patrimoine, la Société Philomatique Vosgienne, qui existe depuis 1875.

(2)    Les nains et les lutins sont bien deux créatures différentes dans les Vosges. Les nains ont été créés par les dieux pour exploiter les richesses de la montagne. Les lutins, dont il existe de nombreuses sous-espèces, étaient des créatures soit gentilles qui aidaient les Hommes, bien que parfois farceur comme par exemple le Sotré ou le Minou dans les Vosges lorraines, ou méchantes et diaboliques comme le Bergmaülen du versant alsacien.

 (Photos, illustrations et texte : BERIAN association Naturaliste et Historienne, Jean-Michaël CHOSEROT)

(Source : Société Philomatique Vosgienne, Mémoire des Vosges n° 8, pages 38 à 47, Thierry CHOSEROT ; Ouvrage : « Les dieux oubliés des Vosges », Guy Trendel)

Société Philomatique Vosgienne
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BERIAN Association Naturaliste et HistorienneMessagerie : berian.association@hotmail.com

Site Internet : https://berianasso.wordpress.com

Téléphone : 07 67 87 00 43

  

Des Visites Guidées de L’Ormont

Depuis avril 2019, l’association BERIAN propose de faire un bon en arrière avec Siegfried, un déodatien des temps « barbares » (VIe siècle), qui vous emmène à la rencontre des anciennes croyances. La balade d'environ 5h (pour 8 km) sur circuit balisé permet aux voyageurs, lors d’arrêts ponctuels, de découvrir dans une ambiance conviviale toutes ces légendes qui ont marqué la vie quotidienne de nos ancêtres. Le site est accessible aux marcheurs occasionnels ayant toutefois une assez bonne condition physique. Les visites sont également ouvertes aux enfants qui aiment les promenades en forêt.

                         

Si vous êtes intéressé, n’hésitez pas à contacter notre association (coordonnées ci-dessus).

 

Et pour en savoir plus :

Mémoire des Vosges n° 2 : Voir le sommaire dans la boutique, il est épuisé, photocopies sur demande.

Mémoire des Vosges n° 3 : La vallée de la Meurthe : un carrefour des sorcelleries européennes.

Mémoire des Vosges n° 3 : A la recherche des vieux cultes de la vallée de la Mortagne : la Pierre de la Roche.

Mémoire des Vosgesn° 8 : Les croyances des anciens à la fin du 16e siècle, Voir le Diable et mourir.

Mémoire des Vosges n° 8 : Une randonnée au sommet du massif de l’Ormont, un itinéraire entre légendes et nature.

Mémoire des Vosges n° 8 : La Pierre Saint-Jacques (ou de la Guillotine) hors de danger...

Mémoire des Vosges n° 9 : Un circuit de la mémoire en forêt de Mortagne, quelques roches chargées d’histoire.

Mémoire des Vosges n° 15 :  l’Ormont, montagne de légendes et de sabbats, découvertes et redécouvertes.

Mémoire des Vosges n° 16 : Le circuit de Bipierre, Un itinéraire entre cupules, gravures et mystères.

Mémoire des Vosges n° 25 : La légende de la croix de l'enfant, /in/ Le « Camp celtique » de La Bure A Saint-Dié, Un site fortifié de hauteur
gaulois et gallo-romain.

Mémoire des Vosges n° 26 : Un conte oriental adapte en conte lorrain du Moyen âge, Dolopathos et les sept sages.

Mémoire des Vosges n° 34 : Fortunat de Grado et Joseph d'Arimathie à Moyenmoutier : aux origines du Graal (IXe – XIIIe siècles).

Mémoire des Vosges n° 34 : Les monstres marins sur la carte de Waldseemüller de 1507 : un outil pour découvrir ses sources.

Mémoire des Vosges n° 34 : Bestiaire fantastique de Lorraine et d'Alsace.

Mémoire des Vosges n° 34 : La femme du bois : les Vosges dans une nouvelle fantastique américaine d'A. Merritt.

Mémoire des Vosges n° 34 : La polémique de la Merlusse : une querelle byzantine autour d'un chapiteau de la cathédrale de Saint-Dié.

Mémoire des Vosges n° 34 : La tête de veau reine de la fête… à Rambervillers : levée d'un coin du voile du mystère d'une raillerie tenace.

Mémoire des Vosges n° 34 : Imaginaire et légendes entre Meurthe et Mortagne : la région de la vallée des Rouges Eaux.


La légende du Hennefête ou de Dame Agaisse

Au temps anciens, à Corcieux dans la montagne vosgienne de Lorraine, vivait une fée appelée Agaisse. Son nom lui vient des cris perçants semblables à ceux d’une pie qu’elle émettait pour annoncer sa présence au petit peuple, « Agaisse » signifiant « pie » en dialecte lorrain. A son appel, tous les êtres de la forêt, de l’insecte au brin d’herbe, du grand cerf au sapin, sans oublier grèkins (1) et sotrés (2),venaient lui rendre hommage en s’inclinant devant elle.

(La région de Corcieux depuis les hauteurs de Gerbépal, domaine de Dame Agaisse)

Le premier vendredi de la première Lune qui suivait le dimanche de la Trinité», dame Agaisse sortit de son antre de porphyre et survola son domaine. En arrivant sur le massif du Hennefête,elle poussa un cri si puissant qu’il fut entendu jusqu’à 5 lieues à la ronde, soit 25 kilomètres. Comme à l’accoutumé, tous les êtres de la forêt accoururent pour s’incliner sur son passage. Alors suivit un concert de cris stridents dont l’écho résonna au loin dans les montagnes. Tous les animaux avaient baissé la tête, les arbres s’étaient penchés en avant en ployant leurs troncs. Seuls les grands chênes ancestraux décidèrent de braver le despotisme d’Agaisse, en restant droits et fièrement raidis sur leurs racines.La fée poussa un sifflement plus terrible encore, et dit alors : « Ah ! Chênes orgueilleux, vous vous trouvez trop grands, trop beaux pour vous courber devant moi ? J’aurai raison de vous, je briserai votre fierté. Vous étiez les géants de la forêt, vous en deviendrez les nains sur l’heure. Vous êtes beaux ? Vous serez laids et difformes et vous demeurerez ainsi tant que vous existerez ».Après ces paroles,on vit la ramure des chênes se briser et les troncs se tordre et s’abaisser.

(Vue sur l’humble massif du Hennefête, depuis le lieu-dit les Evelines)

Ainsi,depuis cet affront fait à la fée il y a des siècles, les chênes du Hennefêtesont moins élevés que les sapins et les hêtres. Mais leurs troncs noueux sont de ce fait plus solides et ne plient sous aucun vent aussi fort soit-il.Dans les cultures païennes, les fées étaient considérées comme des déesses à qui on louait les bonnes grâces. Avec l’arrivée du christianisme, les bonnes fées firentplace peu à peu à de méchantes fées telles que Agaisse. Plus tard encore on parlera de sorcières, mais dans nos contrées beaucoup continueront à croire aux fées et même à leur demander des services lorsque leurs prières ne seront pas entendues par le nouveau dieu unique.
Cette légende a eu pour objectif d’expliquer un fait réel qui est certainement dû à la nature du sol et àl’exposition de ce relief, car en effet les chênes, rares au Hennefête, sont petits et noueux.

(1) Grèkin est un terme général signifiant« lutin » en lorrain roman.

(2) Le sotré est un lutin typique de la Lorraine, à la fois farceur et serviable.

 

(Notre-Dame des victoires trônant au sommet du Hennefête. Corcieux a été épargné lors de la Guerre de 14-18. En remerciement et pour tenir leur promesse, les habitants de Corcieux ont fait élever cette statue après la guerre.)

 

Sources:

Photos(2020) et texte: Jean-Michaël Choserot.

SAUVE, Léopold-François, Folklore des Hautes Vosges, sorcellerie, croyances et coutumes populaires,1889, réédition 1984, p.150.

BOUR, Henry,La Forêt vosgienne, son aspect, sonhistoire, ses légendes, 1893.

Général DOSSE, Légendes Vosgiennes, 1929

 

"La roche des Fées au-dessus de La Houssière, demeure de Dame Agaisse ?, cpa début 20e siècle, cliché Méline"

Pour en savoir plus : https://www.philomatique-vosgienne.org/uploads/bons-de-commande/34.pdf